Mauvaises herbes
Année de parution :
2020
242
Publication
Sabine Wespieser éditeur, 2020
Dehors, le bruit des tirs sintensifie. Rassemblés dans la cour de lécole, les élèves attendent en larmes larrivée de leurs parents. La jeune narratrice de ce saisissant premier chapitre ne pleure pas, elle se réjouit de retrouver avant lheure « son géant ». La main accrochée à lun de ses grands doigts, elle est certaine de traverser sans crainte le chaos. Ne pas se plaindre, cacher sa peur, se taire, quitter à la hâte un appartement pour un autre tout aussi provisoire, lenfant née à Beyrouth pendant la guerre civile sy est tôt habituée. Son père, dont la voix alterne avec la sienne, sait combien, dans cette ville détruite, son pouvoir na rien de démesuré. Même sil essaie de donner le change avec ses blagues et des paradis de verdure tant bien que mal réinventés à chaque déménagement, cet intellectuel qui a le tort de nêtre daucune faction ni daucun parti na à offrir que son angoisse, sa lucidité et son silence. Lannée des douze ans de sa fille, la famille sexile sans lui à Paris. Collégienne brillante, jeune femme en rupture de ban, mère à son tour, elle non plus ne se sentira jamais daucun groupe, et continuera de se réfugier auprès des arbres, des fleurs et de ses chères adventices, ces mauvaises herbes quelle se garde bien darracher. De sa bataille permanente avec la mémoire dune enfance en ruine, lauteure de ce beau premier roman rend un compte précis et bouleversant. Ici, la tendresse dit son nom dans une main que lon serre ou dans un effluve de jasmin, comme autant de petites victoires quotidiennes sur un corps colonisé par le passé.